Bienvenue dans cette nouvelle édition de La Veille. Au sommaire aujourd’hui : le grand supermarché de l’audiovisuel.

💰 Rachat de Warner Bros. Discovery : deuxième round

Le logo Warner dans « Le Shérif est en prison » de Mel Brooks (1974).

À Hollywood, le week-end de Thanksgiving n’a pas été de tout repos. Ce lundi, Netflix, Comcast et Paramount ont en effet déposé de nouvelles offres pour le rachat de Warner Bros. Discovery. Si vous avez loupé le premier épisode, Paramount souhaite racheter l’ensemble du groupe tandis que Netflix et Comcast ne veulent uniquement que sa division cinéma & streaming. Ce que l’on sait de ces nouvelles offres :

  • Netflix est prêt à emprunter des dizaines de milliards pour racheter Warner : le rachat se ferait en grande partie en liquidités (et non en échange d’actions), et valoriserait Warner à près de 30 dollars par action comme le souhaitait son PDG, David Zaslav. La situation risque d’être néanmoins très compliquée car la Maison-Blanche et l’Union européenne lanceront des enquêtes sur les conséquences d’un tel rachat sur le plan concurrentiel. Le rachat de Time Warner par AT&T avait mis près de deux ans à aboutir et s’était terminé devant les tribunaux durant le premier mandat Trump.

  • Comcast veut réunir Warner et Universal dans une société à part : Comcast imagine un scénario dans lequel il scinderait NBCUniversal pour l’intégrer au sein de Warner, tout en prenant le contrôle de la nouvelle entité. D’après Bloomberg, David Zaslav s’est vu offrir le poste de PDG du groupe Warner/Universal, qui poursuivrait en parallèle la scission de leurs chaînes dans deux groupes séparés, Versant et Discovery Global. Peu probable d’après les analystes, Comcast n’a pas la capacité financière de surenchérir et Trump exècre son dirigeant.

  • Paramount Skydance fait appel au Moyen-Orient : seul acteur à faire une offre intégralement en liquidités (toujours autour de 25 dollars par action Warner, bien inférieure aux 30 dollars espérés) et sur l’ensemble du groupe, Paramount Skydance s’appuie sur la fortune de Larry Ellison avec l’aide de fonds américains mais aussi désormais avec l’aide des fonds souverains d’Arabie saoudite, du Qatar et des Émirats arabes unis. La participation des fonds arabes serait inférieure à 25 % afin d’éviter une intervention du CFIUS, le Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis. L’atout de Paramount est Donald Trump, hyper favorable à la famille Ellison.

D’après les médias américains, le rachat se joue maintenant entre Paramount et Netflix mais le conseil d’administration de Warner est davantage favorable à Netflix, qu’il estime être un « meilleur gestionnaire » d’actifs que les Ellison, novices dans les médias. Ces derniers s’apprêteraient néanmoins à faire une offensive hostile sur Warner s’ils venaient à perdre la bataille. The Hollywood Reporter rappelle que d’autres offres inconnues, notamment venues de l’étranger, pourraient avoir été déposées.

Le conseil d’administration peut dès à présent élire un vainqueur, faire encore monter les enchères ou annuler la vente et poursuivre son travail de scission du groupe.

🎙️ CMI France croit encore aux podcasts (ou ce qu’il en reste)

En septembre, CMI France, le groupe du milliardaire tchèque Daniel Křetínský, a discrètement racheté l’application de podcasts Sybel (il était le seul candidat à sa reprise) puis est devenu l’actionnaire majoritaire du studio de podcasts Louie Media, en augmentant sa participation à 74 %.

Par l’intermédiaire de Louie Media, CMI France est désormais candidat à la reprise de Binge Audio, en redressement judiciaire depuis la liquidation de son principal actionnaire Paradiso à l’été 2024. Louie Media propose 1 euro symbolique pour Binge Audio en assurant de reprendre huit des douze salariés du studio.

L'union de Louie et Binge, aux publics complémentaires (« féminine, premium, émotionnelle » pour Louie et « urbaine, engagée, politique » pour Binge, d’après le dossier de reprise), constituerait le « 1er réseau [de podcasts] natif indépendant français » avec 3,8 millions d’écoutes mensuelles. Pas si indépendant puisque CMI France en serait le propriétaire. Louie Media produit d’ailleurs des podcasts pour d’autres médias du groupe comme le magazine Elle ou la chaîne T18.

  • La France n’est pas le seul pays concerné par la déconfiture des studios de podcasts. Aux États-Unis, Vox Media envisage de scinder son réseau de podcasts et Bloomberg révélait récemment que les studios Audioboom, Studio71 ou encore Wave Sports & Entertainment sont à vendre.

  • L’absence de modèle économique viable n’a cessé de renforcer la précarisation de celles et ceux qui les font, renforcée par un management toxique loin des valeurs de bien-être et de développement personnel mises en avant dans les podcasts. Depuis 2021, les enquêtes se sont multipliées sur Louie Media, Binge Audio, Nouvelles Écoutes, Slate ou encore feu-Paradiso.

  • En plus de Louie Media, Binge Audio a reçu deux autres offres de reprise : l’une d’Audiomeans (filiale d’Additi, propriété du Groupe SIPA Ouest-France) pour 50 000 euros, qui propose de renforcer la monétisation des podcasts en reprenant dix des douze salariés, et en proposant à son cofondateur Joël Ronez d’acquérir des parts ; et une autre de la société québecoise Gestion Urbania, déjà implantée en France, qui souhaite reprendre Binge pour 30 000 euros avec dix salariés également pour faire des synergies avec Urbania.

🔗 Les dossiers de reprise sont disponibles sur le site du Greffe du Tribunal des Activités Économiques de Paris.

📬 Les brèves de La Veille

Qui sera le prochain PDG de Disney ? Après la volte-face de 2022, où le PDG de Disney avait été évincé puis remplacé par son prédécesseur, le conseil d’administration de la société doit nommer un nouveau PDG début 2026. Deux profils font figure de favoris : Josh D’Amaro, en charge des parcs, et Dana Walden, en charge des chaînes. Les défis seront nombreux : la croissance des plateformes, l'expansion des parcs à 60 milliards de dollars ou encore la revitalisation de Marvel. (The Wall Street Journal)

Le Sénat a fait pression sur l’Arcom pour sanctionner France 2. Parallèlement à son coup de pression sur le Complément d’enquête sur CNews (qui a mené à une censure de France TV), l’Arcom vient d’infliger une mise en garde à France 2 pour un Complément d'enquête sur le Sénat diffusé en juin. L’Arcom n’avait rien eu à redire sur l’émission mais Gérard Larcher aurait fait remonter son mécontentement, menant l’Arcom à rouvrir le dossier. L’autorité dément, mais la décision est là. (Mediapart)

L’intriguant rachat d’Atlantico. Lucian Despoiu, patron de Majoritas, influente société roumaine de marketing électoral qui a récemment fait élire le gendre d’un dictateur en Indonésie, a discrètement racheté le média de droite Atlantico en juillet dernier. De quoi s'interroger sur les intentions de Despoiu à l’aube de 2027, même si ses homologues affirment qu’il n’a « aucunement l’intention d’entrer sur le marché électoral français, dont les budgets sont trop plafonnés à ses yeux ». (La Lettre)

Les lobbyistes du cinéma français dénoncent l'opacité des plateformes. Devant les députés ce mercredi, les représentants des organisations du cinéma et de France Télévisions se sont montrés virulents à l’égard des plateformes américaines, « des boîtes noires qui ne communiquent pas sur leurs audiences alors que tout le cinéma est dans la transparence », plaidant à « lever le secret industriel et commercial qui fait obstacle » pour négocier réellement avec elles. (Satellifacts)

de Veille

  • Valeurs actuelles, racheté par Stérin et deux autres investisseurs, souhaite se renforcer sur l’actualité du patronat et la gestion de patrimoine (La Lettre)

  • Les magazines people Ici Paris et France Dimanche deviennent des médias du groupe Bolloré après leur reprise par Prisma Media (Le Monde)

  • Rodolphe Saadé, propriétaire de RMC-BFM, dément avoir voulu recruter Pascal Praud : « Si j’ai un million à investir, ce sera dans BFMTV » (La Lettre)

  • La chaîne BSmart, rachetée par Ficade l’an dernier, a perdu son principal client et est attaquée aux prud’hommes par ses cofondateurs (L’Informé)

  • Xilam Animation lance Toon Box, une plateforme SVOD pour les 3–10 ans, disponible dans 11 pays dont la France et les États-Unis (Le Film français)

  • Face à l’essor de Letterboxd, le réseau social SensCritique dévoile une nouvelle refonte en misant sur les films et séries (SensCritique)

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