Bienvenue dans cette nouvelle édition de La Veille. Au sommaire aujourd’hui :

🎬 Netflix dans une nouvelle dimension

« Les Jetson », dessin animé du catalogue Warner, mis en avant par Netflix lors de sa présentation aux investisseurs. © Hanna-Barbera Productions, Inc.

« Netflix à 60€/mois à partir de l'année prochaine », « Cinema is officially dead » : depuis vendredi, professionnels du cinéma, politiques et réseaux sociaux se déchaînent contre l’annonce du rachat de la décennie.

Vendredi, à 5 heures du matin (côte ouest), Netflix annonçait l’acquisition de Warner Bros., une fois dissocié de ses chaînes de télé dans Discovery Global, pour 72 milliards de dollars. Une valeur d’entreprise qui s’élève à 82,7 milliards en incluant la dette de Warner.

Pour chaque action Warner détenue, ses actionnaires recevront 23,25 dollars en espèces et 4,50 dollars en action Netflix. La transaction valorise ainsi Warner Bros. Discovery à 27,75 dollars par action (alors que le cours de l’action Warner était à 12,26 dollars avant l’annonce de sa mise en vente en septembre).

Le moins pire des acquéreurs

Malgré les cris d’orfraie des uns et les craintes légitimes des autres, Netflix est malgré tout le moins pire des trois acquéreurs ayant fait une offre sur Warner. Pour rappel, Warner Bros. Discovery n’avait pas besoin d’être vendu mais son conseil d’administration, après trois offres non sollicitées de Paramount, a souhaité en tirer un maximum de profit.

Paramount Skydance, récemment racheté par un héritier trumpiste qui la transforme en entreprise tech, et Comcast, propriétaire de Peacock et Universal Pictures, avaient tous deux fait une offre pour racheter partiellement ou intégralement Warner Bros. Discovery. Deux acteurs qui souhaitaient dépecé Warner pour booster leurs services de streaming à la traîne. Le rachat d’un studio par un autre aurait nécessairement mené à une disparition progressive de l’emblème Warner. Qui se souvient de la Fox aujourd’hui engloutie dans Disney ; de United Artists, ancien studio prestigieux absorbé par la MGM ; ou encore de la Columbia, nom historique du cinéma, rachetée par Coca-Cola puis doucement effacée par Sony. Les exemples sont, hélas, nombreux.

Netflix, au contraire, n’avait besoin de rien. Ou presque rien. Déjà leader du streaming, la plateforme s’est construite seule, avec une organisation assez exemplaire. A-t-elle besoin des abonnés de HBO Max ? Non, d’après le co-PDG de Netflix, car il y a « une forte superposition d’abonnés », ce qui prouverait la valeur du catalogue Warner. « Beaucoup de fusions passées ont échoué car l’acquéreur ne comprenait pas l’industrie du divertissement. Ce n’est pas notre cas. Nous comprenons parfaitement ce que nous achetons. »

Netflix s’est engagé à maintenir les activités de Warner, à préserver HBO et l’héritage centenaire du studio, à continuer de produire pour des plateformes tierces, « et de s'appuyer sur ses atouts, notamment les sorties de films en salles ».

Il est intéressant de noter que dans sa présentation aux investisseurs, Netflix affiche Friends, Game of Thrones, Citizen Kane ou encore Harry Potter… mais aussi Les Jetson, ancien dessin animé de Hanna-Barbera, indisponible sur HBO Max mais édité dans la prestigieuse collection DVD/Blu-ray Warner Archive ; ou encore Mortal Kombat, jeu vidéo de Warner Bros. Games, division souvent oubliée du studio.

Alors, séduction ou ambition sincère ? C’est en tout cas le signe d’un intérêt évident de Netflix, dont les programmes les plus visionnés restent en majorité des vieilles séries TV, pour la préservation de l’ensemble du groupe Warner — y compris ses branches annexes, qui pourraient nourrir des développements futurs de Netflix.

Les turpitudes de David Zaslav

S’il y en a un qui s’en sort (très) bien, c’est David Zaslav, patron de Warner Bros. Discovery, auteur du magistral HBO Max → Max → HBO Max. Le même qui avait mis Batgirl et deux autres films en production à la poubelle, fait retirer des centaines de programmes de HBO Max dont la série de Ridley Scott Raised by Wolves, Westworld ou Infinity Train (devenu introuvable), le tout pour faire de l’optimisation fiscale.

Après les années chaotiques de son précédent actionnaire AT&T et des vagues de licenciements incessantes entre 2018 et 2020, Warner a continué sous Zaslav à accuser des pertes colossales (plus de 10 milliards en 2024). Le groupe a revu considérablement à la baisse la valeur de ses actifs, a conservé une dette énorme et s’est effondré en Bourse (avant de rebondir avec l’offre de Netflix).

Une gestion plutôt catastrophique ? Peu importe, il a gagné 50 millions de dollars chaque année et repart avec 660 millions de dollars d’actions Warner (oui). Nul doute qu’il obtiendra également un siège dans la future organisation de Netflix.

Et maintenant ?

« La transaction devrait être finalisée d’ici 12 à 18 mois » a annoncé, bien optimiste, le co-PDG de Netflix Ted Sarandos. L’approbation des différentes autorités, du département de la Justice américain, de l’UE ? « Nous sommes très confiants. Le deal est pro-consommateur, pro-innovation, pro-travailleur, pro-créateur, pro-croissance. » Même Trump a tenu un discours plutôt nuancé.

Mais pour le moment, (presque) tout le monde y est hostile : les marchés, la guilde des scénaristes, les exploitants américains et européens, les sénateurs démocrates et républicains ou encore le grand perdant, David Ellison (Paramount), qui prépare déjà sa contre-offensive. Pour prendre tout le monde de court, Netflix a commencé à prévenir ses abonnés par mail qu’ils rachetaient Warner et HBO Max.

Si Netflix renonce à acheter Warner, la plateforme devra verser 5,8 milliards à Warner tandis que si la transaction échouait, Warner devrait verser 2,8 milliards à Netflix. Les deux ont donc intérêt à faire aboutir ce rachat.

Discovery Global, l’entité des chaînes de télé, devrait quant à elle être scindée au 3e trimestre 2026. Beaucoup s’interrogent déjà sur sa pérennité au vu du fardeau financier qu’est CNN, boulet face à l’administration Trump, mais aussi en raison de TNT Sports et Eurosport, dont l’avenir paraît compliqué sans un grand groupe sur lequel s’adosser. Warner ou Discovery, une fois de plus, ce sont les salarié(e)s qui en paieront le prix.

📬 Les brèves de La Veille

Le fiasco annoncé de l’Eurovision 2026. L’Union européenne de radio-télévision a officialisé vendredi la présence d’Israël à l’Eurovision 2026. Une décision inacceptable pour l’Espagne (un des cinq grands financeurs), les Pays-Bas, l’Irlande et la Slovénie qui boycotteront l’édition en soutien aux Palestiniens victimes du génocide à Gaza. La France se félicite, elle, d’avoir « contribué à empêcher un boycott d’Israël ». (L’Huma)

Ouest-France veut sortir de 20 Minutes. Détenu à 50 % par Ouest-France et à 50 % par le belge Rossel, 20 Minutes devrait voir son actionnariat évoluer. Ouest-France souhaite vendre ses parts et Rossel, prêt à les reprendre si les journalistes réduisent leurs droits, songe aussi à la possibilité d’une liquidation ou d’une cession. Bolloré, Reworld et TX Group (Tribune de Genève, 24 Heures) seraient intéressés. (Le Monde)

Le Groupe Le Monde signe avec Meta AI. Après avoir signé avec OpenAI et Perplexity pour Le Monde seul, le groupe vient de signer avec Meta AI – le chatbot IA de Facebook, Instagram et WhatsApp – pour l’utilisation des articles du Monde, du Nouvel Obs, de Télérama et du HuffPost. Un accord pluriannuel « significatif en termes de revenus », également signé par CNN et Fox News. (Les Échos)

Amazon, le vrai gagnant du streaming ? En agrégeant d’autres services (54 rien qu’en France), Prime Video est devenu incontournable. Commissions élevées, données centralisées et développement de la publicité : avec moins d’obligations de produire des hits constants et plus de données sur ce qui fonctionne ailleurs, Amazon pourrait bien être le véritable gagnant des guerres du streaming. (Puck)

de Veille

  • Près de 65 classiques du catalogue Fox viennent d’arriver sur Disney+, une première en France depuis son lancement en 2020 (@filmsdelover)

  • Un départ de taille chez Mubi en France : Servane Fournier, à l’origine de l’ouverture du bureau français en 2020, quitte la plateforme (Le Film français)

  • Après CNews Prime, le Groupe Canal+ lance Europe 1 TV, déclinaison vidéo de la radio réactionnaire, disponible dès ce lundi sur les box (Le Monde)

  • Novo19 acquiert ses premiers droits sportifs avec la « FDJ United Series », anciennement Coupe de France de cyclisme (CB News)

  • Malgré son bide au cinéma, Noël Joyeux avec Franck Dubosc écrase la concurrence lors de sa diffusion sur TF1 (Le Parisien)

  • Jean-Jacques Bourdin a discrètement supprimé sa campagne Tipeee alors qu’elle peinait à atteindre 10 % de ses objectifs (@behel.fr)

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