
Bienvenue dans cette nouvelle édition de La Veille. Au sommaire aujourd’hui :
📉 L’avenir compliqué des nouvelles chaînes de la TNT

Le site de T18 en novembre 2025.
Une des marques de fabrique de Nicolas de Tavernost est bien son franc-parler. Dans un entretien à Satellifacts Magazine ce lundi, l’ancien patron du groupe M6 questionne l’existence des dernières venues de la TNT : « Pourquoi donc l’Arcom a-t-elle autorisé en 2024 deux nouvelles chaînes qui font moins de 1 % d’audience ? », évoquant T18 et Novo19 lancées en juin et en septembre dernier. « Je trouve assez dangereux de faire croire à un groupe comme Ouest-France, qui est par ailleurs confronté à d’autres challenges, qu’il va faire fortune en télé. »
CMI France et son actionnaire Daniel Křetínský ne manquent pas de challenges non plus : crise à Marianne, redressement d’Editis, restructuration de Casino, cessions envisagées de magazines… et pourtant, T18. Une chaîne dont on peine à voir la programmation originale et dont la tête de gondole, le talk-show Pour tout dire, « aligne les débats inconsistants ponctués par les outrances de Raphaël Enthoven » d’après Télérama. Côté audiences, les talks de T18 et Novo19 sont tous deux parvenus à atteindre les abysses plusieurs fois avec seulement 8000 téléspectateurs…
Plus étonnant encore, cinq mois après son lancement, T18 ne dispose d’aucun replay. Son site est une coquille vide, renvoyant vers un flux en direct sur Dailymotion. Il n’existe donc aucun moyen de revoir ses programmes. La chaîne de Ouest-France s’est, quant à elle, dotée d’un site dès son lancement et vient de lancer son application.
Peu de directs, trop de rediffusions, manque de viabilité économique : que des raisons qui ont menées à l’arrêt de C8 et NRJ12.
En septembre, l’Arcom a estimée que le marché n’était pas prêt à accueillir de nouvelles chaînes TNT. Pourtant, le groupe SIPA Ouest-France, lourdement déficitaire en 2024, prévoit d'investir 50 millions d’euros par an dans Novo19, dont 30 millions dès 2026. Le budget de T18 serait de 30 millions.
La Filière audiovisuelle (LaFA), l'association des diffuseurs, auteurs et producteurs, vient d’alerter à son tour sur « le risque de forte hausse des coûts de diffusion TNT » à compter de l'année prochaine.
Alors, T18 et Novo19 pourront-elles survivre ? Ou finiront-elles revendues comme Numéro 23 et Chérie 25 ; voire liquidées telle La Cinq ?
🤔 Peut-on truquer une affaire judiciaire au cinéma ?

Isabelle Huppert et Laurent Laffite dans « La Femme la plus riche du monde ». © Haut et Court
Fabrice Arfi, co-responsable des enquêtes à Mediapart et co-auteur de L’Affaire Bettencourt, un scandale d’État (éd. Don Quichotte, 2010), interroge dans une chronique la déformation de l’affaire Banier-Bettencourt à des fins scénaristiques ; ici dans La Femme la plus riche du monde, film de Thierry Klifa actuellement à l’affiche.
Si le film se revendique « très librement inspiré » de l’affaire, il pose problème, au-delà de ses qualités cinématographiques, en modifiant considérablement un biais de la réalité : la notion d’abus de faiblesse, au cœur du procès et de la condamnation du photographe. La Femme la plus riche du monde ne parle pourtant que de l’affaire Bettencourt : tout lui ressemble au moindre détail. Sauf… Liliane Bettencourt, dont le double est interprétée par Isabelle Huppert. Une Bettencourt/Huppert qui s’émancipe, qui profite, qui donne son argent comme bon lui semble.
La réalité est tout autre. Fabrice Arfi rappelle l'arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, dans lequel les juges parlaient de la « situation de grande vulnérabilité » de Liliane Bettencourt. Une vulnérabilité que connaissait le photographe François-Marie Banier comme lorsqu'il « s’active pour obtenir de son amie qu’elle le désigne comme unique bénéficiaire d’une assurance-vie dotée de 262 millions d’euros », alors qu'elle sortait d'un coma léger profondément affaiblie.
Mais… « La vérité n’a pas d’intérêt », revendique Marina Foïs, vraie-fausse fille de Liliane Bettencourt dans le film, en pleine tournée promo.
Isabelle Huppert parle de son personnage comme « n’[étant] absolument pas une victime, ni avant d’avoir rencontré le personnage joué par Laurent Lafitte, ni même, d’ailleurs, une fois qu’il est sorti de sa vie. (…) Je n’ai jamais aimé jouer des victimes ».
Cinématographiquement, le vrai Banier sort ainsi blanchi de sa condamnation pour abus de faiblesse. Tout cela est faux, mais c’est ce que le public retiendra de cette affaire Bettencourt, même si elle n’en porte pas le nom. La fiction peut-elle ainsi justifier une telle déviation de la réalité ?
📬 Les brèves de La Veille
De Frontières à l’Assemblée nationale. Un « journaliste » et « communicant » du média d'extrême droite Frontières vient d'être embauché comme assistant parlementaire par le député ciottiste Gérault Verny, actionnaire de… Frontières, depuis 2023. Pas un problème, selon le déontologue de l’Assemblée, malgré la vive suspicion de faire financer ses articles avec l’enveloppe parlementaire du député. (Mediapart)
Kinepolis se renforce aux États-Unis. Après l'acquisition du circuit MJR Theatres en 2019, le groupe belge Kinepolis – cinquième plus gros exploitant en France – poursuit son expansion étasunienne avec le rachat du réseau Emagine Entertainment d’ici la fin de l’année. Emagine opère 14 cinémas à travers 4 états américains, soit 177 écrans et plus de 18 000 fauteuils. (Boxoffice Pro)
Des changements sur Free TV. Suite à la colère de France Télévisions et TF1 au sujet de Free TV, lancé « sans concertation préalable », l'opérateur a fait passer le replay et l'UHD des chaînes publiques dans son offre payante ; et retiré le replay des chaînes du groupe TF1 pour tous les utilisateurs, qu'ils soient gratuits ou payants. (Alloforfait)
CMA Media gèle ses projets. Trois semaines après une motion de défiance adoptée à 88 % par les journalistes de La Tribune, CMA Media suspend son projet de pôle économique avec sa chaîne BFM Business, ainsi que la « mise en pause » de la transition de La Tribune vers un modèle de presse professionnelle B2B. (La Lettre)
➕ de Veille
Dérive éditoriale, fausses informations, promotion de l'extrême droite : la chaîne Franceinfo est-elle en train de « devenir CNews » ? (Arrêt sur images)
Condé Nast annonce l'absorption du média progressiste Teen Vogue par Vogue et le licenciement de tous ses journalistes politiques (Clin d'œil)
En plus de Bodega Films, le distributeur KapFilms est également placé en liquidation judiciaire (Boxoffice Pro)
Prime Video se lance aussi dans le streaming gratuit en France : 6 chaînes FAST sont disponibles sans abonnement Prime (@Flowering11)
Apple TV dévoile son nouveau tou doum, sans le +, composé par Finneas, frère et co-compositeur de Billie Eilish (MacGeneration)
L’Australie va imposer aux plateformes de streaming d’investir 10% de leurs dépenses ou 7,5% de leurs revenus dans la création locale (Reuters)
